Hello cher abonné.
Quatrième édition, on ne lâche rien comme Zizou dans les arrêts de jeu.
C’est toujours aussi long mais on a fait des efforts : y’a de l’amour, des beaux gifs, de l’humour et moins de mélanges entre citations et rédaction. Tu connais, itérative et always on est la façon de faire.
Dans ce numéro exclusif vous avez :
- Une reflexion quant à la différence entre subculture et subsubculture et ce qu’il y a d’intéressant dans ce phénomène, particulièrement en 2020. Tout ça à travers l’exemple des sideshows. #grossesvoitures #subsub
- Comment et pourquoi le système Pay2Win d’accès au monde des agences est plus que jamais un frein à la diversité et donc à la créativité dans notre milieu. Par Mary Buzbee.
- L’ironie comme prisme de compréhension de la mode et la fashion.
Prépare ta tisane, inspire un coup, c’est parti.
🏎 Culture Bitume 🏎
Il y a peu de choses plus fascinantes que la cuisine japonaise et les ados sur snapchat. Parmi ces choses, les sub ou sub-subcultures menant leurs petites barques à l’abri des courants dominants occupent une place de choix.
Intrigué par la capacité qu’a la Californie a en créer, le médiocre millennial en moi s’est laissé tenté par une série de documentaires de Vice sur la car culture de rue aux US. Plus précisément la subsubculture des Sideshows présentée par exemple dans Shutting Down the Streets of LA: Sideshow Takeovers.
Force est de constater que leurs contenus sont de bonnes fenêtres sur des univers parfois lointains et plutôt fermés.
Culture grosses voitures
Installez vous sur votre fauteuil, baissez la fenêtre imaginaire sur votre gauche et accoudez vous au meuble le plus proche. Caisson de basse à fond dans l’open space, cliquez ici si vous êtes dans un mood à l’ancienne ou cliquez là si les années 2000 vous manquent.
Avant d’en venir aux raisons pour lesquelles je trouve ces phénomènes de subsubcultures intéressantes, une petite introduction historique pour vous donner le contexte :
Les Sideshows sont nés dans les rues d’Oakland dans les années 80s. Initialement, il s’agissait d’expositions de belles voitures customisées dans des parkings. Les parkings se faisant trop petits, les amateurs se sont mis à se réunir dans les rues et intéresser de plus en plus de jeunes. Des jeunes n’ayant pas accès aux loisirs de la nuit car soit trop jeunes (on a le permis à 16 et le droit de boire à 21), soit non désirés (car jeunes minorités) ou les deux.
Naturellement, ces rassemblements représentaient une alternative possible. Les sideshows sont devenus progressivement des espaces d’expression et un moyen de catalyser la créativité de ces groupes à travers un univers mêlant savoir-faire mécanique, performances et talents artistiques. Ce zeitgeist local s’est matérialisé par la naissance de la hyphy culture. Le terme Hyphy étant défini par le Oxford English Dictionary comme :
1. Extremely rowdy, excited, or energetic.
2. A style of uptempo hip-hop music and frenetic dancing.
On passe rapidement sur les détails de l’évolution du mouvement car c’est comme souvent la même chose : les anciens regardent avec circonspection et nostalgie certains apports de chaque nouvelle génération. Le peacocking et le défilé de grosses caisses pointant vers la lune pour impressionner les femmes a laissé place aux donuts à en faire souffrir les pneus et aux courses contre la montre et la police.
Mais le fond reste le même : une communauté qui se retrouve et s’organise en groupes, clubs et évènements, assurée d’une confiance quasi familiale. Une mixité d’âges, d’origines et de sexes même mieux répartie (les femmes ne sont plus là pour être impressionnées mais pour piloter). Des garages pour se retrouver et des spots pour se la donner lors de block parties slash arènes Beyblade. La subversion à la normalité, légitimée par le besoin de se retrouver entre minorités négligées par certains standards afin de développer un sentiment d’appartenance et d’identité. Des rites de passage pour gagner le respect de ses pairs mais aussi le droit d’aller drifter sur Crenshaw boulevard. La dose d’adrénaline et d’excitation, désormais plus provoquée par les interventions policières et les likes insta que par les émois de la gente féminine ou la conduite de bolides. En somme : la création de matière culturelle émanante d’une subsubculture est toujours véritable.
Pourquoi est-ce passionnant ?
Pour deux raisons.
La première, c’est la pérennité dont font preuve certaines sub-subcultures. Et ce même après le pic de leur culture-mère passé. L’intensité que renferme aujourd’hui encore les sideshows est assez folle comparée à l’engouement général pour la car culture dont elle provient. Une subculture qui ne doit plus animer grand monde si ce n’est occasionnellement à la sortie d’un nouveau Fast & Furious.
Je trouve ce delta entre “énergie de la dite subsubculture” et “pertinence culturelle de la subculture dont elle est issue” captivant. D’autres exemples de ce delta pourraient être le graffiti vandal ↔ Le street art institutionnalisé de Jonone ou encore la house danse ou le krump ↔ la danse hiphop de StreetDance2 ou les chorés Tiktok.
Il est réjouissant de voir que les subsubcultures sont encore bien vivantes et actives une fois affranchies de leurs subcultures mères. Qu’elles résistent au temps et aux destins de plus en plus programmés et programmables des subcultures. Car l’ère des subcultures comme comme principales creative cultural forces, que l’on a pu observer de 1975 aux années 2000, n’est plus.
Dans Geeks, Mops & Sociopaths in subcultures evolution, David Chapman pose sa théorie selon laquelle le modèle ‘subculture’ est de plus en plus challengé. Je vous invite vraiment à le lire, c’est top. En paraphrasant grossièrement, il y a plusieurs raisons parmi lesquelles leur invasion et pillage à répétition par les Moldus, des gens sans type de savoir ou de skills particuliers si l’on s’en réfère à la définition issues des oeuvres de J.K. Rowling.
Dans les parties prenantes composant une subculture, David identifie les créateurs et les fanatiques (qui forment les Geeks), les MOPs (pour 'member of the public' aka les casuals ou touristes, fans beaucoup moins engagés) et les sociopathes (les vautours qui vont exploiter le tout). Ces derniers vont en perquisitionner l’essence du capital culturel pour le diluer dans une version light destinée à un public plus large. Une version plus light qui perdra fatalement de son cool originel et dont la majorité des Geeks seront exclus ou non intéressés.
Il y a, certes, quelque chose de triste dans cette théorie et dans la fin d’une subculture quand s’envole l’espoir de réunir “plus” ou de conquérir, mais c’est aussi sa principale limite. Comme si l’expansion d’une subculture sous entendait un palier auquel est relié un détonateur. Ce qui est rassurant, c’est qu’entre temps, les Geeks en quête de sens et de profondeur auront généralement créé des subsubgenres qui serviront de refuge. David Chapman prend d’ailleurs l’exemple des sous genres de musique métal pour illustrer ce point.
La force de ces subsubcultures est de réussir à s’affranchir des tentations et des tentatives de globalisation, en privilégiant l’idée de se suffire à elles-mêmes et en renforçant, volontairement ou non, leur caractère exclusif et les barrières à l’entrée. La limite quant à leur possible impact culturel qu’elles prennent en décidant de se retirer d’une logique universaliste permet ainsi de rester pertinente pour les Geeks mais trop nichées pour les MOPs et les sociopathes.
Ces niches sont des bulles d’énergie culturelles absolument incroyables, accessibles en l’échange d’un certain effort sans pour autant garantir de récompense exploitable.
C’est ce que je trouve fascinant et savoureux, je crois.
La deuxième raison pour laquelle je trouve ces subsubcultures intéressantes est l’aspect individuel qu’elles impliquent en plus du phénomène sociétal précédent.
Il y a quelque chose de courageux dans le choix de vivre, ou du moins participer de manière active à une subsubculture aujourd’hui. Là aussi j’y vois une forme de résistance.
A la recherche de vérités et de sens, l’Occident traverse une remise en question générale d’à peu près toutes ses fondations depuis les années 2000. Des institutions et nos modes de vie jusqu’à la science. Le principe de subculture et ses communautés comme mode idéal de création de sens a vu ses limites dans sa fragmentation et son manque de fondations communes. Son inadéquation avec un besoin de socle culturel commun pour répondre à des questions plus universelles lui a valu de céder sa place à la global consumer culture contemporaine.
Seulement, cette soupe universelle composées de morceaux de cultures trouvés ici et là a donné un résultat sans grande cohérence. Il y a trop de choses différentes, trop de choix, trouver ce qui vaut le coup est compliqué et internet n’aide pas à solutionner cette atomisation du sens.
Là où je veux en venir, c’est qu’il est facile d’être paralysé face à cet état des lieux. Si on y est ouvert, la quête de sens et de sens commun peut être une opération très vague ouvrant à une nébuleuse de propositions et de possibilités. Si on n’en ressent pas le besoin, il y a largement de quoi s’occuper avec Cyril Hanouna (bravo le jugement de valeur). Si on en ressent le besoin mais qu’on a la flemme de s’y attarder, on a juste à prendre la vie de manière ironique.
Se pimper un Jeep Grand Cherokee Trackhawk et aller faire des donuts sur Crenshaw boulevard peut être une solution alternative.
J’entends ici que même si une subsubculture ne répond pas à nos questions les plus existentielles, s’impliquer dans une forme de tribu plutôt que de subir la paralysie ou de céder à la tentation de l’abandon est un choix courageux. Chercher à créer des valeurs, des intérêts et des rituels communs partagés, c’est osé. Sauter dans le wagon de l’ironie ou vivre au rythme du nihilisme de Nietzsche, peut-être moins.
Je ne sais pas à quel moment ce sujet est parti en vrille mais initialement je voulais simplement faire un parallèle entre les sideshows et la danse. Comme quoi faire drifter des gros gamos pouvait ressembler à une suite de mouvements rythmés par ses pilotes mis en scène dans leur environnement.
Les spectateurs qui bloquent les intersections créent la scène. Les voitures dansent. Les hypemen au milieu des donuts dansent. Les birds, les hélicos de la police dansent en hauteur. Les pilotes et les passagers friment et dansent pendant que leurs voitures dansent. Les spectateurs qui rejoignent leurs voitures pour évacuer les lieux sont au pas. Les meutes de voitures qui se déplacent dans la ville pour se rendre au prochain spot sont synchronisées. Le chorégraphe sur la route s’occupe du flagging pour donner les départs. Tout est danse. Je vous mets des gifs pour illustrer l’idée.
Petit bonus pour se mettre plus dans l’ambiance : les photos de JSun217
👩💻 Cash Rules Everything Around L’Accès Au Milieu Des Agences 👩💻
Il y a des sujets qui reviennent régulièrement quand on parle du milieu lors de nos discussions à la chicha. Parmi eux, les travers de l’industrie publicitaire (ou plutôt l’écosystème agences / annonceurs) et, plus particulièrement, le manque de diversité occupent une place de choix. Même si on ne fait rien de concret pour aller de l’avant, ça ne nous empêche pas d’être dérangés et de se questionner.
Mary Buzbee, une creative à Lewis Communications (Birmingham, Alabama) a récemment publié un post (c’est pas grand chose mais c’est mieux que rien) à ce sujet : As Advertising Becomes Pay-to-Play, Creative Potential is Wasted.
Elle y parle du lien entre les conditions d’accès au milieu et le classisme, les écoles qui coûtent cher, les inégalités territoriales et l’inclusivité socio-économique. Autant de facteurs appauvrissant la créativité du milieu par les barrières à son qu’ils érigent. Elle y propose également des pistes de solutions.
Comme d’habitude, je vous invite à le lire même si je sais que vous ne cliquez quasiment pas sur les liens (#datadriven #designthinking). Voici donc des extraits choisis (mais lisez) :
Notre industrie perd des talents avant même qu’ils en voient la porte.
Chose dont nous sommes complètement convaincu. La quantité de jeunes de bonnes familles qui n’ont aucune idée de l’existence des opportunités de carrière dans la publicité est énorme. Alors imaginez dans les autres groupes, catégories sociales, whatever vous avez l’idée.
“Until college, my knowledge of advertising came from riding past attorney billboards on the side of the interstate and watching local car dealership commercials on Saturday mornings.” Many people that come from disadvantaged households will never have the opportunity to attend college (université en France), much less discover advertising as a potential occupation.
These students are just as promising as those that have better educational opportunities, but they aren’t making it into our agencies.
Financial challenges don’t end in the classroom. Poorer students are often saddled with massive debt that can prevent them from accepting internships with meager wages and breaking into larger, more expensive markets on smaller salaries.
Les opportunités de stages offerts par les ‘portfolio schools’ sont des batons dans les roues des autres.
Le problème n’est peut-être pas le même en France. Je ne sais pas si les écoles payantes ont des quotas de stages garantis dans certains groupes publicitaires. J’en doute mais plus rien ne me surprend.
It’s common knowledge that these schools have reserved internships at well-known agencies for their graduates. Consequently, these programs often function as long-term pipelines for selective shops. Those who didn’t have the privilege of attending a portfolio program are starting ten yards back in the race to top agencies from their counterparts that did.
Monter à la capitale pour se donner les moyens de vivre le rêve publicitaire est un mythe réservé à une des privilégiés. Si le prix d’un loyer et le montant d’un salaire ne font qu’un, les calculs ne sont pas bons.
It’s no secret that a great internship can define a career. If you’re able to secure one at a top agency with valuable brand recognition, you’re likely to carry the equity of that recognition into successive jobs. However, these agencies are typically located in high-cost cities and minimum wage remains the standard rate of pay for interns.
Unrealistic expectations are frequently projected onto those trying to break into the industry. Young people are expected to romanticize “the grind” and buy into a fantasy that involves moving to the big city, living on top of one another, and eating Ramen noodles for dinner. But what about those who can’t afford to “grind” because they don’t have a safety net? Have these mindsets been perpetuated by those who haven’t experienced financial volatility?
Les agences choisissent leurs combats et préfèrent se réunir pour inventer une raison d’être à une marque de grande conso plutôt que faire face à leurs problèmes.
Like everything, the issue of classism is nuanced. When class traverses one or more other marginalized identities, the severity of its consequences intensify. It’s also important to understand that jobs aren’t the only environments in which marginalized groups face systemic barriers.
“So a guy like me….young black boy from the hood that ended up cool with a ton of white folks….has to jump through 1 MILLION flaming hoops just to prove he can jump…” — Micöl Rankin, Executive Creative Director at Rankinworks
Advertising is an industry rooted in connecting with people. It’s driven by data that’s supposed to help us understand the human experience. But when it comes to groups that have historically been left behind…we’re suddenly not so insightful.
Comme mentionné plus haut, si certains des points évoqués ne correspondent pas exactement à la réalité française, la plupart sont largement valables.
Mary ne fait pas qu’énoncer les problèmes et aborde des pistes de solutions. Vous les retrouverez en deuxième partie du post.
Un petit dernier rapido.
👟 Fashion Fast 101 👟
Ayant, comme pas mal d’entre nous, un nombre d’heures par jour limité mais une fâcheuse curiosité / tendance à la sérendipité, des choix ont dû être fait pour convenir d’un régime médiatique équilibré. Notamment celui de ne chercher à comprendre la mode qu’à travers des memes. Car après tout, la fashion est l’ultime troll de notre société postmoderne. L’analyser par le prisme de l’ironie n’est que s’adapter à ce que l’on nous propose. Comment faire rapide mais pertinent ? Par des images, principalement. Des images modernes, parfois animées, qui pointent du doigt des vérités avec un vernis de légèreté.
Je ne parle pas ici des quelques grands créateurs mais de tout le reste, qui constitue quand même, à la volée, un bon 80% de ce qui sort des fashion weeks.
Voici donc quelques indispensables pour comprendre ce joyeux bazar.
Frugal Aesthetic est l’empereur de cette école et s’est inspiré des meilleurs, en le savant ou non : les Montage Parodies. Un subreddit qui s’amusait des vidéos de joueurs de call of duty sous dubstep et effets spéciaux ravageurs. Frugal Aesthetic, lui, détaille les DOs et les DONTs et prodigue de précieux conseils pour comprendre les hits du moment.
Témalapaire est une jeune pépite française. Inspiré par un article invitant ses lecteurs à comprendre la personnalité de ses collègues à travers leurs chaussures, Témalapaire fait du sneakers profiling basé sur des paires aperçues dans le métro.
Itsmaysmemes a une approche plus académique. C’est le compte d’une hawaïenne de 17 ans qui grandit donc en plein deuxième (?) boom de la tendance oversize et y contribue en apportant sa touche d’XXLisation. The bigger the better serait son mantra. Armée de Photoshop, elle sème le doute à l’aide d’un flou artistique maitrisé pour développer un imaginaire amenant à questionner à la véracité ou non de certains clichés. Repoussant les limites du crédible à chaque montage.
Petit dernier pour la route et pour respecter la pluralité des médias. Sur Twitter, le compte du défunt site Fourpins est toujours en activité. A combiner avec ThrowingFits pour des RTs de commentaires et observations affutées quant à l’actualité stylistique de la part de la communauté. #crowdsourcing.
Driftement votre,
hellofdp.